Au lieu d'écrire, je dessine. Et mon cerveau, bienheureux, s'éteint. De son extinction, bienheureux. Écrire comme je dessine. Débranché. Off. Sinon rien. De parole, assez. De pensées, trop. D'idées, le tourniquet et la nausée. Une ligne qui s'allonge et bifurque, avance au hasard et s'enroule sur elle-même, fascinante, l'hypnose, allumé-éteint, repos. Écrire comme dessiner. Pas là. Pas moi qui dirige. La ligne se déroule, revient à son point de départ. Elle ne dit rien. Elle dessine. Ma main suit. N'existe à l'œuvre qu'un secret. Je suis le dirigé, l'objet. La page blanche, c'est moi, et les mots viennent se poser, comme les plumes d'un oiseau bleu, doucement, frôlent ma peau, délicate. Je ne suis plus. Ça se passe loin, loin, si loin. Et me voilà si tranquille, si bien sans l'autre, là, le bec cloué sous mon front. Je devrais toujours commencer par dessiner avant d'écrire – dommage qu'au milieu des fourmillements d'idées, celle-ci jamais ne danse. Ô mais quel merveilleux refuge. Cette pièce sans lumière où tout devient phosphorescent. Où tout disparaît enfin, sauf la peau le regard la respiration. Une simple ligne qui ne dessine aucun mot et la pensée disparaît. Encore quelques enlacements d'encre et bientôt tous les amphigouris de l'esprit se sont évaporés. Ça chante seulement. Ça chante sans rien dire. Ça tourne en rond dans un bienheureux silence qui s'enroule sur lui-même, comme un chat, et ronronne, comme un chat. Je suis comme un chat lové dans sa fourrure, au milieu de coussins feutrés, j'ai perdu ma pensée quelque part et j'en ronronne de plaisir. Je suis un animal. Je suis l'animal que je suis vraiment. Il me reste cette parole de reflet, ce chant doux qui ne dit rien, fait miroir, c'est tout.