21 août 2013 3 21 /08 /août /2013 12:40

humans 4516

 

Tout. Ce ciel. Cette température. Ce vent. Cette lumière. Cette atmosphère. Où je veux vivre, encore et encore, dehors, dedans l'air, dedans le dehors, encore, encore, jusqu'à en avoir assez. Repu, content, plein. L'ivresse parfaite, délicate. Et ce mélange indicible d'impressions. Gaieté, complétude, mélancolie, tristesse, appétence illimitée, respiration, immensité, nostalgie, vacances, ambiances d'ailleurs, lenteur, présence. Tout. Se mélange. Implose. Virevolte. S'enchaîne, se déchaîne. Conscience trop petite pour tout contenir, tout recevoir, tout laisser dériver. Ne s'accrocher à rien. Même pas à cette pensée, je veux vivre quelque part comme ça. Je veux vivre dehors. Je veux rejoindre la vie. Comme si. Alors je fais un détour, je ne vais pas tout droit, là où j'ai décidé de me rendre, plutôt les raccourcis vers le ciel, des Z et des U dans les rues, le I une autre fois, quand l'enchantement aura disparu derrière les grises allures de la saison d'après. Et chaque fois qu'une brassée m'enveloppe, mes yeux qui se ferment à moitié, m'envole. J'essaye de me souvenir. Bord de mer, villages, l'été, le matin et les premières heures de ces longues journées à musarder d'un plaisir à l'autre. Sans règle, sinon celle du désir, sans horaire sinon celui des appétits. J'y suis presque, je m'y croirais, une seconde suspendue avant d'être rattrapé. Goudron qui règne. Voiture qui chigne. Poubelles qui exhalent. L'ineffable douceur se fraye un chemin entre les nuisances. Ailleurs, il y aurait peut-être les mouches, les mêmes merdes et les mêmes pisses, le même bitume, fais-toi pas des mythologies. J'essaye encore, me concentre sur mon bras qui vient de s'enrouler d'un feutre transparent et frais comme l'eau d'une rivière. Étourdissement. C'est une douleur dans la poitrine, aussi. Il n'y aura jamais assez de ce bonheur-là. Et j'y suis. Et il s'arrêtera. Vivant maintenant, avec les bruits, les odeurs, tout. Il est difficile cet art. Il est difficile et beau, douloureux et grandiose. Vivre. J'ai de la peine. Partir. Ça finira comme ça. Comme tout le monde. Comme maman. Dix-sept ans de non-existence. Pour elle. Et pour moi? Ai-je existé? Comment? Ai-je célébré ce que sa mort à mis à vif comme rien d'autre? Et dire que je pense trop loin, je sais, la vie est plus simple, plus banale, plus triviale. La vie vivante, de chair et d'os, de présence, d'organique présence, juste là, nulle, médiocre, sublime, chienne, passant par tous les états – partout, ici, ailleurs. Fuyante. Toujours plus fuyante. Comment vivre, comment vivez-vous? Ce mirage de tous les autres temps, et ce présent si péniblement accessible, ces éprouvés si courbés sous les poids d'esprit, l'échine abîmée par tant d'inconscient, de règles, de sécurités nécessaires et mensongères. C'est pas drôle de savoir, de voir, de comprendre, de reconnaître. Ça fait pas plaisir. Et les signes avant-coureur de la saison qui se meurt, expire le premier de ses derniers rayons, peint le premier des derniers de ses ciels, quelque chose dans l'air, ou plutôt dans la cité: le retour des vacanciers, les places de parking qui manquent à nouveau, le rythme qui martèle le sol autrement, le bruit aux heures du début et de la fin de ces journées redevenues laborieuses. Et je n'ai pas eu assez. J'avais des années à récupérer et qu'un seul été. En a-t-on jamais assez? Je grappille chaque jour quelques brasses au lac, quelques humeurs au ciel, aux heures des renversements de lumière, l'âme silencieuse et contemplative, si heureuse et si triste de connaître l'impermanence de son extase, l'incomplétude d'un je-ne-sais-quoi que je n'ai peut-être pas encore découvert. Je borde mon lit de chansons, berce mon souffle d'images, recueille ici et là les bribes d'un air connu et pourtant indéfinissable. Je soupire de travers. Retourner ce soir, demain, là où le chant du monde emplit l'atmosphère, le fait vibrer d'une onde indomptable, j'y retournerai jusqu'à ce que ma peau ne supporte plus la température, contre vents et marrées des rites de l'urgence et de l'impatience, jusqu'à ce que le goût de la douceur se perde sous les ombres des nuages et de l'équinoxe. Quand l'inclinaison de la planète ne sera plus à nous caresser pour un rien. Et qu'il faudra s'incliner à d'autres habitudes, moins immédiatement bonnes à ce corps tout fait pour vivre dehors, marcher, porter, suer, tenir, nager, exulter de ses cellules en prises avec leur complice nature.

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