12 mars 2009 4 12 /03 /mars /2009 11:57


Il y a cette courbe, qui recueille les regards d’un autre, ce passage obligé par le dehors, qui éclaire le dedans. Il y a ce risque pris de la visibilité. Si vous ne vous exposez pas, vous sentirez sans doute combien ce qui est tenu dans l’ombre dépérit. Au chaud, en sécurité, tu construis tes petites œuvres, tu fais ta mécanique, tu réorganises le monde, et c’est la peur d’une certaine souffrance qui te garde dans la zone obscure de ton confort. Dans le vase clos d’une détermination, d’une attente, d’une farouche crainte d’être perçu de travers, de n’être envisagé que partiellement, d’être forcé sous un regard qui ne sait pas faire la différence entre ce qui est proposé et ce qu’il y projette, là, dans cet abri retiré, les forces s’épuisent. L’indifférence s’allonge, prend des forces, fait ses régulières et moribondes visites. Elle dévaste tout, anéanti sens, élan et plaisir, insinue le doute jusqu’au plus profond de tes fondements.

            C’est une chance ! Il n’y aura pas moyen de se passer des autres. Imaginons un instant quel serait ce monde où chacun pourrait réaliser un rêve sans l’aide, le soutien ou le simple reflet d’une altérité, évoluer et grandir sans rapport aux maîtres ou aux pairs, ou aux novices d’ailleurs… Quel triste portrait, quelle regrettable capacité celle qui permettrait ainsi de régner seul dans sa valise d’effets et de se suffire à soi-même. C’est toute la substance de la vie qui profiterait de mettre les bouts, d’ailleurs c’est ce qu’elle fait : elle te laisse livide, sans forces, perdu. Et pourtant, les reproches qu’on se fait à ne pas tenir tout seul, à ne pas s’y mettre, à attendre la dernière limite… Mais regarde bien, cette dernière limite : la date, la deadline, la contrainte, toutes ces étiquettes voilent ce que tu ne sais plus voir : l’autre. Le dehors-soi, l’entité-même sans laquelle « je » n’existe pas : le « tu » ou le cela animé d’un « tu », ce qui me permet de devenir à mon tour l’entité qui donne vie à ce qui me vivifie. Là où l’on condamne le manque de discipline, la faiblesse de volonté, la flemmardise, il y a presque toujours une voix à laquelle nous ne prêtons pas attention : c’est le besoin de l’autre qui n’est pas reconnu. Le socle de notre condition, la nécessité de toute entité vivante, soit-dit en passant.

           

 

(Un besoin de l’autre qui parfois est un besoin du soi-autre. Quand il manque l’image de la future continuité identitaire, la procrastination dont on vous afflige, qui vous stigmatise et vous arrête, pourrait sans doute être troquée par le besoin de savoir où je vais, qui je désire être, quel devenir je me donne - une invite au mouvement, à la créativité !)


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