Feuilles comme jaunies par le temps, les bords irréguliers, l’âme calleuse de leur texture. Premier contact, l’écrin où sont très simplement, pauvrement, déposées les images. Un espace primitif, originel, organique. « Printemps 2014 », l’inscription participe...
Dans le corps, aucun indice pour révéler la fin de l’année. Un jour comme les autres. Je sens seulement la détente des vacances, et le calme de la ville contamine mon apaisement. Par la pensée, je sais que demain l’année sera morte, à tout jamais. Spontanément,...
Abandonner. Chez moi, c’est toujours par l’abandon que peut commencer la poésie. Il faut que j’abandonne la tourelle du phare, la veille qui tourne haut, la main qui tient la corde, le souci que je me fais. Je viens là pour quelque chose, et il me faut...
Ce sont les ciels indolents Eux seuls en ces jours distraits pointent de leur longs doigts bleus La poésie discrète de nature Et l'œil bien qu'ouvert ne suffit pas Si l'âme ailleurs porte son regard Si elle ne daigne d'un souffle large poser aux nues...
Soir. Hôtel. Trop roulé mais chambre moins chère. 30 euros. J'ai encore un peu de peur dans les mains, celle de ces virages qui m'arrivaient dessus à toute allure, sautant de la nuit sur la route sans avertir. Sous les draps du lit, de la place pour presque...
Je crois bien que j’ai tu la voix la plus nécessaire. Celle qui avait le plus besoin de se dire s’est enfermée dans un secret. En sortant de l’anonymat, en prenant le risque de montrer le lien entre ce que je crée et ce que je suis, j’ai abandonné une...
Table de bois. Fenêtre de verre. Je vois le lac du Bourget dans toute son étendue. Le soleil vient de disparaître. Première fois depuis très longtemps, que je pars ainsi. Dans les rues d'Aix, je suis tombé étourdi trois fois en quinze minutes. L'évidence...
J’ai senti un doigt appuyer sur ma joue. La pièce n’avait pas bougé. Elle prenait des airs de cocon blanc, murs duveteux. Le regard de D. s’appuyait sur mon front, puis sautait à la fenêtre. J’ai vu ses lèvres hésiter à dire un mot. Elle me réveillait...
Pincettes poudreuses en lesquelles les nuages s’émiettent. Neige de sel, neige de sable, neige d’étincelles. La poudre blanche des cieux tombée rapproche la terre du ciel. Les corps se remodèlent instantanément, selon leur principe, leur fine intelligence....
Comme une dernière note. Un capo somptueux. Ce nuage immobile qui siège au milieu du ciel, offrant dans un dernier reflet rose, l'idée du couchant, de la beauté et du temps. D'autres se retirent déjà vers l'orée de la nuit, drapés d'un gris que le bleu...
Moi non plus, je n'ai plus envie de vivre. ça. Moi aussi, je ne respire qu'au milieu de l'herbe, je ne vois que sous le grand ciel et n'éprouve de réelle douceur que dans les bras de la nature. Dénaturé, c'est son mot du moment, je suis dénaturé, ils...
Le petit village, en ce dimanche où j’ai pris la route sans savoir où aller. Le lac, en ce matin où il s’est dessiné par hasard le long de ma route. Je me suis retrouvé là par hasard, et par hasard m’y suis trouvé bien. Dans ce petit village bordant le...
Sur mon pouls retranché, je sens bien des zones nœudales. Commissaire d’infortune qui fait son enquête, je cherche les trous noirs, les champs parasités, les périmètres désolés. Librement j’ai choisi ma prison. Point ignorant de la cage qui m’enferme,...
Sur les dunes d’oubli, nous jouerions comme deux enfants du soleil, resplendissants. La lumière caresserait tes jambes et sous le nombril épanché ta respiration. Graciles, soutenus par le vent immortel, nous serions le baiser de l’existence, l’oraison...
Blanche page aux lignes bleues sur lesquelles je pends un à un les maigres corps tombés du bec de ma plume. Rectangle coupé dans l’image. La joie d’ouvrir. Trouver la règle qui crée le jeu. Sauvage écriture de l’en-deça. La totale naïveté. Jusqu’à comment...
Ça s’organise ainsi : par l’éclatement. Fractales dont je n’atteins jamais le cœur. Toujours la réduction renvoie à l’émiettement supérieur. C’est de vivre avec sa propre nature qui fait le chemin. C’est de ne plus s’espérer différent. Il y a quelque...
Retrouver l’importance, la capiteuse nécessité d’y être. Sinon brassage de vent, danse d’occupation, qui ne suffisent pas, ne font pas l’affaire. On voudrait sauver l’humanité, et c’est à peine si l’on sait sauver sa peau. On voudrait régler le grand...
Il y a cette courbe, qui recueille les regards d’un autre, ce passage obligé par le dehors, qui éclaire le dedans. Il y a ce risque pris de la visibilité. Si vous ne vous exposez pas, vous sentirez sans doute combien ce qui est tenu dans l’ombre dépérit....
Je pourrais pour cela renverser la coupe qui ceint les entrailles. Déverser le vin qui marine au fond des cales, d’entre ses hanches cueillir l’ivresse. L’imperceptible du jour jaillirait des horizons, chaque instant comblé d’immense. Il y aurait sous...
J’entends encore Au fond de ma carcasse, les notes faire leur gigue tragique Mouvement d’impromptu que rien ne tait. Elles me serrent le cœur, m’agitent en poétique détresse. Saignement d’œil et compression thoracique, quelque chose dans l’entre-deux...
Ce mirage que je touche du doigt, il résiste. L’attente enceinte d’une illusion s’apprête à enfanter d’un devenir véritable. Toutes ces années. Les heures d’infini labeur dans le champ solitaire, pain du désert et soif tourmentée. Terreur indicible d’avancer...
Je pourrais voir au contour de nos âges l’ampleur d’une silhouette confuse et sereine. La neige tomberait de tes cheveux en perles de soie, diaphanes éclairs de mon trouble. Il y a entre ton cou et ton menton, cette fragile pièce de vélin où s’est écrit...
J'aimerais que ces larmes qui ne sortent pas puissent être transformées en mots. Dire et faire entendre le poids de cette fatigue d'être. Que l'épuisement de ma vitalité trouve dans une parole le moyen d'être entendu. Visible à mes propres yeux. Il est...
O peut-être ta maison est-elle devenue ta prison, peut-être ce chemin si doux ne sied plus à ton pas. Décroche la lune, et regarde bien derrière. L’étoffe montée en pièce d’art s’use dans les courants du temps, n’oublie pas de bouger. Fais le tour, inspecte,...
Vents violents, bourrasques et grandes gifles stellaires, lumière folle, pleine. Dans leurs ventres ça fait des mouvements, des angoisses d’un trop, la joie violente et sans prise, du désir de vivre, de conquérir une autre liberté, d’être dans ce corps...