20 avril 2013 6 20 /04 /avril /2013 10:59

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Moi non plus, je n'ai plus envie de vivre. ça. Moi aussi, je ne respire qu'au milieu de l'herbe, je ne vois que sous le grand ciel et n'éprouve de réelle douceur que dans les bras de la nature. Dénaturé, c'est son mot du moment, je suis dénaturé, ils sont dénaturés. Elle se sent dénaturée, quoi. Ben moi aussi, ces jours, je me sens privé de ma nature, de la nature, d'un sentiment d'être relié à ces lieux sans goudrons, sans murs, sans voitures ni foule, sans routes ni chaos de bruits et de mouvements. Et il y a ce désir d'y être, d'y rester, longtemps, ce sentiment de n'en avoir jamais assez, de devoir quitter toujours trop vite, toujours trop tôt. Y vivre je ne sais pas, mais y rester longtemps, oui. C'est ma maison, là-haut, sur cette dune qui surplombe de loin la ville d'un côté, et embrasse d'un immense regard la chaîne des montagnes de l'autre. Sublime vertige incessant. J'arrive, je monte les quelques mètres, déjà ma respiration change un peu, et puis ce calme, cette volupté, cette présence, dès l'instant où je me sens y être. Mes pas ralentissent, une bouffée de joie traverse mes poumons, ma nuque se jette en arrière pour offrir au ciel mon visage, et alors, tout pourrait bien s'arrêter. Beaucoup de choses s'arrêtent. Ici les bonnes sensations ne sont ni à chercher ni à inventer, elles se donnent, il suffit de les recevoir, de les accueillir – même si ce n'est pas systématiquement simple, du moins c'est un donné. S'ouvrir et se laisser imprégner. Moi aussi, j'ai ces jours la poitrine où gigote une graine d'absurdité, qui valdingue d'un coin à l'autre de mes sentiments, me donne l'impression que tout ce que je trafique n'est qu'une vaste mascarade – un autre de ses mots du moment. Que la seule chose qui compte et qui n'ait jamais réellement compté, c'est ce chant toujours renouvelé de mon ode à l'existence et leur première source d'inspiration: l'intime connivence d'avec le monde. Qui n'a lieu qu'avec les étoiles, la mer, le vent, les ruisseaux, l'herbe et les arbres, certains regards, certains rires, certaines amitiés. Mais le reste, cette lutte débilitante d'une place à se faire au milieu des autres dans le tissu des réalités sociales et économiques, à habiter des gestes insensés parce que privés de toute connexion avec, précisément, le cœur de l'existence, ne servant plus à vivre, mais à faire vivre une machine, un système, qui en retour permet de se faire croire à une présence. Écœuré. La farce me saute aux yeux, la tristesse me désarme, je n'ai plus envie de rien. Et j'aimerais que ce désarroi investisse jusqu'à la dernière de mes cellules, que la conscience s'imprègne jusque dans la plus petite fibre de ma vision, afin que tout décalage devienne si intolérable que je ne puisse tout simplement plus rien faire qui ne soit parfaitement accordé à mes plus essentiels besoins. Rejoindre enfin la vie en son essence, cesser toute trahison, faire avec elle un mariage de déraison. Ne plus pouvoir lever le petit doigt pour une cause que mon cœur ne sache défendre. Savoir que là-haut, au sommet de la bute, m'attend une modeste demeure, simple de confort mais grande d'espace et généreuse d'ouvertures sur le dehors, où le chant des oiseaux inspirera la chanson de mes écritures, où mon sommeil reposera sur des coussins de silence, où ma main posera sur sa peau la plus tendre des caresses, mes lèvres au creux de sa nuque le plus doux des baisers.

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27 février 2013 3 27 /02 /février /2013 18:07

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Hier je disais: plus rien ne se mettra en travers de mon bonheur. Aujourd'hui, j'ai la poitrine brouillée, l'âme pleine de sanglots, le vague au cœur. Sans savoir pourquoi. Ils sont sur mon chemin, ces billots de tristesse et je ne peux guère les contourner. Je ne le souhaite d'ailleurs pas: ce serait comme de passer à côté de soi, de refuser ou d'ignorer ce qui se trouve au cœur de mon être, en sa partie la plus vivante, la plus vibrante, la plus présente. Ils ne sont des embûches qu'à l'idée que je me fais de mon bonheur. J'éprouve au contraire qu'ils sont des accès, des indices, des présences pleines. J'aurais tant aimé que mon bonheur commence aujourd'hui, que la légèreté ne m'attende pas quelque part plus loin, au détour du chemin. Pourtant, je ne suis pas malheureux si de ces tristes rondins je tire quelques flammes poétiques, si de leur texture je comprends ce qu'ils m'enseignent. C'est ce que je me disais tandis que je me traînais un peu douloureusement à la quête d'un cadeau pour une amie. Seulement elles montent si vite en moi ces impressions qu'il n'y a que du manque dans tout ce que je fais. Que si je ne suis encore que discrètement reconnu pour mes talents, c'est sans doute parce qu'une maîtrise leur fait défaut. Je m'en vais l'écrire pour provoquer le destin: j'ai décidé que je serai édité cette année. Faisant fi de toutes les contingences qui font qu'un tel évènement peut se produire, je m'écris cette formule comme on dessine un plan, comme on titille le fatum. Les livres sont là, je m'en vais faire de ce à quoi je consacre tant de vie une confiante force, déterminée et rayonnante.
    Si je ne fais rien, ce sont les murs de l'existence pragmatique qui finiront par se resserrer une fois de plus sur mes terres poétiques et les étoufferont jusqu'à mon prochain évanouissement.
    Je ne dois pas croire cette voix qui me dit aussitôt que je suis prétentieux et vaniteux. Que je ferais bien de garder ces suffisantes aspirations au secret si je ne veux pas me ridiculiser sous le regard des passants. Cette voix qui me demande au nom de quoi je peux bien prétendre à cette reconnaissance, et qui ajoute d'ailleurs que le besoin de cette reconnaissance est douteux et signe d'une faiblesse. Le travail de sape est omniprésent, à tous les étages. Elle a peut-être quelque chose à y voir la surprise qu'il me vient parfois en me relisant: mes yeux écarquillés interrogeant la possibilité que je sois l'auteur de ces lignes qui me plaisent tant. Dîtes-moi, pourrions-nous nous amuser pour un temps à aimer ce que nous faisons, à trouver cela beau et riche, à se réjouir de nos réussites et au plaisir de les partager? Pourrions-nous?
    Hier j'ai vu la photographie d'une fille dont le t-shirt portait cette inscription: « I love to be me ».

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25 septembre 2012 2 25 /09 /septembre /2012 09:42

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A défaut de pouvoir me poser quelque part, je m'installe dans la frange de cette matinée. A quoi ressemble une vie? Qu'est-ce qui fait que ça ressemble à une vie, une vie? Je n'avais rien de plus, mais j'avais encore le temps de regarder, longtemps, d'épouser les éléments. La seule vraie bataille, je la mène de biais, et je ne suis plus là où j'aimais être. Il n'y aura rien de clair en ces mots, je dirai par omission, morceaux de reflets, à la façon dont je devine sans bien comprendre, ce qui est là. La tristesse aux larmes, les rêves remplis d'elle peut-être, la nostalgie d'une humeur, le poids stupide des choses. Pourquoi ce matin pleure-t-il. J'en aurais voulu quatre, c'était ce que je m'étais proposé hier soir, quatre heures, quand je m'asseyais quelques minutes sur mon balcon à l'ombre du soir, aspirant à une longue trêve. Deux, c'est tout ce que j'ai. Tout est si loin. Et mes outils, regarde, ils auraient pu si bien servir, et je ne suis pas au bon endroit, pas dans les bonnes peurs. Ce qui est facile, ce qui vient tout seul, m'éloigne du monde au lieu de m'en rapprocher. Je n'ai pas goût aux nécessités. Là où je ne m'ennuie plus, là où je n'ai plus peur, je suis seul. Je croyais depuis longtemps qu'il suffirait de peu pour que s'inverse la logique, que le plomb devienne plume, voile, aile, souffle. C'est sans doute toujours aussi vrai, j'y crois seulement moins. C'est un manque bien réel, un creux, un vide, une absence, ce n'est pas qu'il manque une étincelle au foyer, c'est qu'il n'y a pas de foyer. Il ne s'est pas créé. Cette détermination que d'autres portent comme une évidence, de foi et de confiance tissée. Quatre heures, je voulais un long espace blanc où m'allonger et disparaître. Là où je ne suis pas mis en défaut. Où je choisis vraiment d'être. Où je ne suis pas si perdu, si démuni. Je suis perdu et dépouillé, ici aussi, mais autrement. Ici, c'est une présence, s'y trouve forces et significations. Là-bas, c'est la longue blessure d'un ordre qui m'échappe, me laisse impuissant. Et ces deux heures ne suffiront pas, déjà elles ne suffisent pas, j'y respire étroit, le contact avec la fin trop immédiat, à portée de main. Je viens de penser à ce foyer que d'autres me donnent, de leur regard, de leur enthousiasme, de leur générosité touchée par ce que je fais, cette place d'élu qu'ils m'ont offert et qu'ils gardent à ma disposition. Et moi qui n'en fais rien, entends à peine ce qu'ils sont en train de me dire. Peut-être est-ce ce qui m'éloigne du monde qui vient tout seul, et non l'inverse. Après tant d'années si attentivement labourées de l'intérieur, il y a des volontés coercitives à l'égard de soi qui commencent à comprendre qu'elles ne servent à rien. Strictement rien. Le puzzle, les trous dedans, les coins joliment dessinés et les pièces introuvables, il y a un moment où je cesse de chercher à en faire un de ces spécimens qu'on achète sur les rayons des magasins, ceux qu'on trouve partout, qui disent comme ça doit être un puzzle, un puzzle bien acheté, bien entretenu, bien organisé. T'as toutes les pièces, et avec un peu de patience, ton image, tu la trouves, celle qui est sur le plan, tu la reproduis, fidèle, complète. Bordel ça ressemble à rien mon truc là. Ce refus insurmontable, viscéral, passionnel, de m'arranger avec l'existence comme elle est, ici, aujourd'hui. De jouer le jeu. Je trouve les règles débiles, et pire que tout, c'est le néant affligeant de ce qui pourrait vraiment nous nourrir, nous apporter ce dont nous avons réellement, profondément, incontournablement besoin. La substitution des essences d'humanité par quelques unes de leurs pires dégénérescences, l'alcool vicié dont l'ivresse fait des faux-semblant d'ivresse. Je ne signerai pas.



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5 septembre 2012 3 05 /09 /septembre /2012 09:58

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Ces neuf heures ne me sont pas nécessaires. Je pourrais me lever plus tôt. Le cœur léger, les muscles dénoués, la trogne alerte. Comme avant-hier, ô miracle!, il chante dans son lit au réveil, il se lève facilement, l'esprit clair, le corps souple et leste, l'âme guillerette! Ça c'était avant que commencent les soucis. Cinq ans que ça dure, que c'est devenu normal de passer plus de temps qu'il n'en faut dans les limbes d'un mauvais sommeil, de réveils nocturnes qui n'en finissent pas de se relayer tour à tour pour casser mes rythmes circadiens, de douleurs qui m'évitent très efficacement de retomber trop vite dans l'aveugle contentement. C'est le contraste avec avant-hier qui me rappelle ce que je perds, chaque nuit, chaque matin, et chaque journée qui suit, toutes teintées de ce premier moment qui imprime aux heures à venir son humeur, son abrutissement, son morne brouillard. Alors je sors me promener, l'air frais, le mouvement, la perspective du café à emporter sur le chemin du retour, et celle de le siroter en racontant ma petite souffrance à moi, ça me guérit déjà un peu. Le luxe du sommeil, quel trésor sous-estimé! Le luxe d'une promenade au réveil, pas mal non plus... Septembre a balayé Août comme il a évincé soleil et chaleur, lesquels reviendront sans doute, et je déploie donc ma foulée endormie dans l'air vivifiant de fraicheur, sous un ciel cotonneux, l'attention pliée en deux: d'un côté être là, à goûter ce moment pour ce qu'il est, de l'autre cueillir pour l'écriture d'après, les derniers dépôts d'intensité déposés sous la peau. Hier, le marchand bio regardait consterné dans le vide. Il y contemplait celui de sa boutique sans clients, signe de cette crise qui, à en croire les plus fins analystes, sous l'apparence d'être passée, continue en fait de  grignoter en douce du terrain, du moins pourrait faire une deuxième vague tout aussi catastrophique, lui, inquiet, désarçonné, cherchant au milieu des poussières virevoltantes une réponse, une piste, une solution. Il paraissait gêné ce matin, comme intimidé de s'être pareillement livré la veille, d'avoir découvert son désarroi à ce jeune-homme qu'il ne connaît finalement pas. Il m'a demandé des nouvelles d'elle, la nymphe du Salève mordoré, dont les mains sont dans la terre au même instant, dans la pâte à modeler comme elle dit joyeusement, avec la même joie qu'une petite fille créant ses bijoux colorés, oubliant pour un temps les mêmes soucis de boutiquière aux prises avec le même chamboulement de l'ordre mondial, celle qui m'a fait découvrir ce plaisir indubitable d'engager la parole avec les marchands du quartier, d'aller faire le marché pour acheter nos montagnes de légumes et d'entamer des conversations étonnamment profondes et touchantes avec des personnes aussi étrangères à mon monde qu'intéressantes et surprenantes, des gens qui cueillent leurs fruits avec un émerveillement semblable à celui que j'éprouve en grappillant au ciel mes phrases, et de sentir naître en moi, pour la première fois alors que voici bientôt vingt ans que j'habite ici, le sentiment d'appartenir à une petite communauté, d'habiter quelque part, d'exister au milieu des autres, et de découvrir cette joie toute simple de rentrer chez soi peuplé de mots échangés, de sourires partagés, avec ces personnes croisées deux fois par semaine qui me reconnaissent, semblent contentes de nous voir. Dans un rapport radicalement différent de celui qui n'existe que pauvrement avec les caissières et caissiers des grandes surfaces – même si certains, grâce à leur amour du contact, parviennent vraisemblablement à transcender l'aridité du contexte où ils se trouvent pour y faire vivre quelques vibrations d'une irréductible humanité. Je déambule d'une ruelle à l'autre, suivant mon inspiration, devinant que celle-ci m'emmène trop loin et celle-là pas assez, me donne la permission d'user encore de cette matinée ébréchée pour le seul plaisir de musarder, oubliant moi aussi le sérieux de cette crise intérieure dont je ne peux présager les répercussions, m'abandonnant à ce qui ne me semble pourtant pas être le meilleur des choix: préférer aux démarches pragmatiques qui m'attendent, ces égarements poétiques, ces éternels détours par lesquelles j'arrive pourtant toujours à mes fins, je crois. Nous verrons bien...

 

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26 août 2012 7 26 /08 /août /2012 10:10

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En hâte, sautant le rituel de la douche, deux galettes de riz à la main, je suis sorti. Fuyant la meute de pensées qui s'acharnaient déjà sur mon cerveau avant même que je ne sois tout à fait réveillé. Une horde de charognards plantant leurs becs dans la chair agonisante d'un interminable questionnement. Vite, dehors, à l'air libre, peut-être un peu de paix, les jambes en mouvement pompant cet excès de sang mental, l'appareil photo pour projeter mon attention vers l'extérieur, oublieuse du conflit qui me ronge les nerfs, fait de ma colonne vertébrale une tresse sur-cuite, un réseau de nœud si serrés que plus rien ne sait les défaire. Tourné vers les images du dehors, les solitudes hagardes du petit matin, passant au loin dans le village désert, j'échappe à l'interrogatoire obstiné. Elle me manque à chaque prise de vue, son regard pour choisir avec moi le filtre, elle me manque et je sens bien que ce n'est pas si simple mais au moins ma tête s'arrête là. Je reviens à la capture et tombe dans le silence de cette quête esthétique où s'éteignent les mots. Un klaxon m'extirpe de ma concentration: cette femme rencontrée la semaine dernière, amie d'une amie. Mon intuition ne m'avait peut-être pas trompé: le trouble et l'excitation de sa voix, son arrêt au beau milieu de la rue, sa façon de me regarder de bas en haut malgré elle, avec une sorte de frénésie dans les yeux... Je me rappelle: deux fils de vingt ans, la quarantaine passée. Et moi la cible. Ah. Mes 30 ans d'âge mental s'accordaient fort bien aux 30 ans symboliques de celle qui n'est pas là pour m'aider à choisir le rendu de mes instantanés, et nos 38 ans respectifs officiels faisaient mon affaire. Confortable pour ne pas trop perturber la représentation frileuse de mon inscription dans le temps... Mais en réalité, j'en suis là, à pouvoir être convoité par une mère de deux jeunes-adultes qui ont à peine dix ans de moins que ma jeunesse imaginaire... Elle est partie vers sa marche et j'aurais bien aimé avoir tellement envie de cette rencontre que je lui aurais proposé de me joindre à son escapade, dont le caractère solitaire confirmait mon hypothèse de l'autre soir: mère célibataire. Mais non. J'étais mieux avec mes photos de silhouettes errantes et le léger manque de la jeunette absente.

 

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24 août 2012 5 24 /08 /août /2012 18:07

2012-06-29 17.45.13

 

Toutes fenêtres fermées, la musique de Damien Rice, ma solitude d'il y a longtemps, l'éternel bâtiment d'en face, le ciel gris d'avant l'orage. L'absence de projet pour ce soir. Les milliers de projets pour demain. La pensée d'elle rentrant du travail, passant là, en bas. Quelle soirée? Nous regardions des films enlacés, promenions nos silhouettes dans les rues du quartier, discutions dans sa cuisine à la lueur de nos journées. Mon grand-père mourant que j'évite. Ma vie que je ne cesse de construire, sans jamais arriver nulle part, des culs-de-sac, des châteaux écroulés, des nuées incertaines. Les murs entre le mexique et les usa, entre israël et la palestine, entre le nord et le sud de la corée, entre l'inde et le cachemir, les autres murs, et le mur entre elle et moi, entre moi et moi. La démesure de tous les défis, de tous les désirs. Je me perds un peu moins en me faisant croire que je me retrouve ici, entre ces quelques lignes, devant ce mur que je connais, en limitant ma vision à ce que je sais et crois savoir, en ne posant sur le reste que quelques petites touches de conscience, juste un doigt, un regard. Et ce monde si confiné qu'est le mien. Une montagne, un lac, deux ou trois bistros, une poignée d'amis, quelques membres de famille, les activités qui par alliance de plaisir et d'habitude se sont glissées sous ma peau jusqu'à se confondre à ma personne. Et ce monde si vaste dehors. C'est vrai le temps qui semble passer plus vite. Et la joie? L'émerveillement? L'enthousiasme? La confiance? L'amour léger? Avant-hier soir, je me suis couché impatient du lendemain, j'avais hâte d'en avoir fini avec mon sommeil pour pouvoir reprendre ce que j'étais forcé de quitter, frappé de redécouvrir cette appétence, cette faim de vie, cette envie d'y être. J'avais oublié cette sensation, cette urgence. J'ai aimé descendre le fleuve, me laisser couler sur le Rhône en taillant la bavette, dépasser ma pudeur et franchir ce que ma peur d'être blessé allait encore m'empêcher de vivre. La fraicheur de l'eau dans la rude journée de chaleur, la force du courant qui me transporte sans devoir bouger. J'ai aimé la mâle douceur de ce nouvel ami qui me parlait de sa voix grave, écoutant mes interrogations, me racontant les anciennes siennes, j'aimais sentir la présence, la confiance dans son ton, comme s'il me transmettait cette sécurité, comme si ça ne pouvait qu'aller, que finir par se mettre en place, tout ce grand merdier. Le jour tombe et ce message que j'espère autant que je crains n'arrive pas. Elle ne m'écrit pas. Si je pouvais m'arracher une peau qui déclenche ce que je souhaite, je serrerais les dents et m'exécuterais. Si je pouvais faire un geste qui précipite ma retenue, je respirerais un grand coup et fermerais les yeux avant de les rouvrir pour sauter à pieds joints. Ce sont pourtant des petits pas qui m'ont fait avancer, toujours. Quel est le prochain qui fera plus de place encore à ce regain de légèreté?

 

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21 août 2012 2 21 /08 /août /2012 16:25

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Elle était tellement, tellement belle dans les dernières lueurs de notre relation, dans sa longue robe flottant au sommet du salève, le soleil tombant derrière elle. Comment se pouvait-il que je ne souhaite pas passer le reste de mes jours avec cette nymphe, cette sublime personne d'être et de chair? Aurai-je jamais la réponse à cette question sans fin?


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5 août 2012 7 05 /08 /août /2012 17:39

2012-06-29 16.54.38

Si j'ai tant effacé ma personne de mon écriture, c'est autant par peur que par pudeur. J'aimerais savoir dans quelle mesure l'apparition de la réalité concrète qui façonne mon quotidien apporte quelque chose à la lecture. Je crois entendre qu'il s'agit d'une incarnation, d'une possibilité de s'identifier, de se projeter. Je croyais qu'en limitant au maximum les informations tangibles, déterminées, circonscrites de mon univers et de mon identité, ce que j'écrirais laisserait d'autant plus de place à chacun d'y faire résonner ses propres références. Que la lecture ne serait ainsi pas parasitée par les idiosyncrasies de mon existence, et que l'écran vierge que j'espérais déployer permettait d'y visionner les images de son choix, les reflets de ses questionnements, les perspectives de ses croyances. Je reçois pourtant de plus en plus régulièrement des remarques qui semblent m'inviter à penser le contraire. Qu'il y aurait dans l'indétermination où je laisse le lecteur, un manque à sentir du vivant, du réel, du particulier, du personnel, et que ceci, précisément, empêche ou rend difficile la possibilité de s'y voir, de s'y reconnaître ou de s'en distinguer. Le paradoxe où je me trouve est blessant: mon intention qui cherche seulement à faire le plus de place possible à autrui, rencontre le reproche de ne pas être assez généreux de sa personne. La méprise est totale et douloureuse.

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29 juillet 2012 7 29 /07 /juillet /2012 10:19

2012-06-20 14.53.03

 


Il me faut un silence majestueux, comme une cathédrale, remplie d'une musique aérienne et liquide. Que les harmonies mineures creusent dans l'espace des perspectives temporelles infinies. Et que viennent frisonner contre ma peau la brise du lointain, la conscience de toutes choses. Alors s'ouvrent des prières, des recueillements, d'essentielles considérations. Le temps de l'arrêt, la virginité du regard, l'immensité du souffle. Depuis la plus grande de mes pertes, celle d'une mère, ma vie est devenue une bataille, pour ne pas dire une guerre. Non. Elle l'était déjà avant, mais avant, j'avais en moi une naïve étincelle. Non. Je l'ai toujours. Mais elle se consume faiblement, tapie dans le dernier recoin d'ombre, tandis qu'avant, avant elle rayonnait sans connaître la valeur de sa joyeuse spontanéité. Je pouvais répondre « j'aime la vie » sans blêmir un seul instant, sans tressaillir, sans douter, sans mentir. Il me revient pourtant que l'année suivant le décès, j'étais plus vif et alerte que jamais, je jouissais sans mesure de la chance qu'il m'était donné d'être là. Jeune et fou, je m'amusais dans l'extase de tous mes sens déployés. Je pleurais tous les jours, je creusais sur le damier de mon parquet les sillons de mes chutes, des tortillements où la souffrance réduisait mon corps en miettes, mais l'intensité de ma douleur avait pour reflet celle, égale, de me sentir vivant et de m'en réjouir en saisissant chaque opportunité. Si je ne peux répondre avec la même franche appétence quant à savoir si j'aime la vie ou pas, je ne suis pas tant sûr qu'il s'agisse d'un deuil en suspens. Je reconnais qu'une forme de vitalité a disparu, s'est enfouie quelque part. J'y devine bien davantage, au creuset de ce manque, la permanence d'un décalage, d'une disharmonie entre ce que je me donne à vivre et ce que j'ai le désir de vivre.

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9 juillet 2012 1 09 /07 /juillet /2012 16:50

2012-06-22 18.45.50


Ce dimanche est seul. Seul aux abords de l'été, d'un été qui peine à s'éblouir, hésite, ne s'extasie que quelques jours puis retombe en nuages désolés. La fraîcheur me va bien. La joie du soleil ne m'est pas indispensable, aujourd'hui. Un dimanche seul à regarder les choses qui marquent l'étape de mille vies, dont la mienne. Quelque part, mille choses commencent, ce dimanche m'entoure de celles qui par chez moi finissent. (Semblent finir, tant de fins ne furent que des parenthèses.) La fin d'un travail, la fin d'une relation, la fin d'un rituel, la fin d'une saison, la fin d'une période. Le début d'un je ne sais quoi. Il y a les  élans de musique, aussi bouffis de vie que de doutes et de peurs, il y a les élans d'écriture et de photographie, plus tranquilles de n'être pas si vulnérables à l'exposition, sous le regard des autres. Il y a des élans vers elle, qu'il faudra bien voir mourir, se faner, se métamorphoser, à moins qu'elle n'ouvre à nouveau une fenêtre où je puisse faire passer mes billets, dire où j'en suis qu'elle n'a pas eu le temps d'entendre, que j'ai trop pris le temps d'exprimer. Il y a des élans de vie nouvelle, et la menace comme cette buse qui passe à l'instant devant ma fenêtre et installe dans le ciel une légère appréhension, brise la complète insouciance. En l'espace étroit d'un territoire pris sous la menace, je n'ai rien vu du monde tourner. J'écoute la radio, j'apprends la continuité des horreurs, le renouvellement infini de la violence. Mon anniversaire est passé et je n'en sais comme rien, il me reste heureusement des paysages lunaires et quelques paroles dont ma poitrine tremble encore. On vous souhaite de la douceur, du bonheur, on vous dit que cette euphorie qui vous gagne les pommettes pourrait bien prendre ses vacances sur votre visage ensoleillé, et ça rejoint sans doute une aspiration aussi profonde qu'étouffée à l'intime tendresse, à la confiance, à la sécurité, au confort d'être en soi, bien en soi. Et de pouvoir à nouveau regarder le monde en large. Ce dimanche est seul, de petits éléments ont changé depuis sa dernière solitude, petits mais importants comme le mouvement d'ailes d'un papillon. En mon cœur et mon esprit, le fil de nous deux continue de se dérouler, comme une question ouverte qui n'a pas ses réponses, qui commençait tout juste à engendrer de nouvelles interrogations, avant qu'elle ne semble avoir compris quelque chose d'elle qui la pousse à en rompre l'incertitude.



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