Le petit village, en ce dimanche où j’ai pris la route sans savoir où aller. Le lac, en ce matin où il s’est dessiné par hasard le long de ma route. Je me suis retrouvé là par hasard, et par hasard m’y suis trouvé bien. Dans ce petit village bordant le lac, frangé d’une belle demi-lune lacustre venant éroder son ventre dur. Aussitôt inspiré par la ruelle de pierre, l’accès fermé aux voitures. C’est là que devait s’arrêter ma route aventureuse, en cette matinée dominicale, après quelques minutes de route. Quelques minutes m’ayant porté à distance, d’une surprenante distance imaginaire. Lointain, quelque part, loin de chez moi, si près pourtant. Tranquille de cette distance installée par hasard, au bout de ma route. Et le temps, ce grand soleil dur dans le froid délicat, cette atmosphère tendre et vive, douce et coupante, à travers laquelle marcher dans la solitude du village. Comme je me suis senti loin, ailleurs, délicieusement éloigné. Rien ne manquait, ô si, peut-être bien cette présence, la présence manquante, sans doute, sans doute celle-ci manqua-t-elle un peu, à peine, pas vraiment un manque, plutôt un manque à gagner si j’ose dire, un surplus de plaisir qui n’est pas là, un surplus de bonheur qui manque mais qui n’empêche pas le bonheur, ni ne l’amoindri d’ailleurs. Parce que d’être présent ainsi aux choses, et l’enveloppe de sensations délicates, la tranquillité de la chair et de l’esprit, toutes tranquillement confondues dans une même délicatesse de sensations, et la promenade sans but au gré des ruelles, en passant d’un rayon solaire posé sur les lianes de lierres à la perspective d’un banc solitaire devant l’immensité du lac et du ciel, parce que tout cela et bien d’autres choses ne sauraient être amoindries par une absence, un manque vague à peine présent, presque imaginaire. Aucun manque n’aurait pu, là, au bout de cette route imprévue, amoindrir ni même blesser les sensations si délicates qui me sont arrivées par hasard.
