12 septembre 2009 6 12 /09 /septembre /2009 12:15



Je suis monté à contrecœur, sur la montagne que j’aime tant, je suis monté le cœur rechignant, la poitrine en peine. Elle savait déjà, ma poitrine, sans doute savait-elle déjà le trouble qui la saisirait là-haut. Il est des lieux comme des personnes : ce qui nous les fait aimer tend parfois à nous les faire fuir, tant ils mettent à vif, par leur simple présence, ce qui est à la fois si bon et si douloureux, si tendre et déchirant. Je savais que ça me ferait du bien, même si je sentais que ça me faisait du mal, de monter là-haut, sur les dunes vertes, dans le vent froid, à l’heure où le soleil nous abandonne au chant des étoiles. La lumière, le vent, l’espace, j’en pressentais les remous dans ma poitrine déjà troublée, ma gorge se serrait déjà à la seule idée de les rencontrer, à la seule pensée d’être cet homme au milieu des éléments, à l’heure où les étoiles poussent le soleil vers d’autres continents, l’heure d’une solitude abrutie par la masse imposante des multitudes, où le poids de son vertige lui fait tourner la tête. Il ne restait presque personne là-haut, quelques lointaines silhouettes sur les dunes sauvages. Le vent, le froid, l’annonce des étoiles semblaient les voir balayés des grands champs de promenade. Chaque solitude pouvait ainsi sentir la pesante réalité de son vertige, le vertigineux sentiment de sa réalité. Mais ce n’est pas la solitude qui me fit des haut-le-cœur, ce n’est pas tant son vertige implacable qui troubla ma poitrine et serra ma gorge. Ce n’est pas le vent qui fit pleurer mes yeux non plus. Le mouvement de vague des graminées dans le contre-jour, leur façon de balancer sous le poids du vent et de briller sous le reflet du soleil couchant, cette danse végétale et son chant qui emplit ma tête, cette voix surgie du passage des courants d’airs entre leurs têtes ployant et vibrant comme des cordes vocales, voilà ce qui troubla mon cœur, dans un vertige de mélancolie, sous les poids d’une vertigineuse mélancolie, me portant jusqu’aux confins de mon enfance, en des espaces d’intimité qui semblent ne pas avoir de fond, où ma chute semble ne jamais devoir s’arrêter, là où le seul objet qui reste identifiable, au sein de ce trouble sans fond, semble être le souvenir le plus doux, le plus cher, le plus douloureux, le plus tendre et déchirant : l’enfance de ma famille. La famille où je fus enfant. Peut-être tandis que nous traversions des plaines lointaines, peut-être de semblables ambiances m’ont-elles pénétré, sans doute ont-elles touché l’enfant en son cœur, où se mélangeaient alors le vent, le soleil et les graminées, dans le champ de tendresse infinie qui nous réunissait, l’alcôve bienheureuse de notre amour sans fond, le vertige de cet amour qui nous portait à travers champ, sous l’étoile des multitudes.

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