28 septembre 2011 3 28 /09 /septembre /2011 18:17

Saintes-Maries-2011 0220

J'ai le souhait, secret, qu'à la façon dont il a pu me tenir prisonnier d'intriquées situations, le contexte, par une perche tendue, me tire de ce pas – qui n'est pas un mauvais pas mais un pas forcé. Tout ce qui m'arrive est bon, tout ce que je cherche a la goût du désir, c'est déjà bien puis-je me dire par la tête. Mais de n'avoir le temps d'aimer seulement ce que je fais, sans pouvoir faire un peu de place à aimer ce que je suis – ou même à seulement recevoir ce que je vis – , et surtout de constater que rien du temps consacré à rencontrer celles et ceux que j'aime déjà ne se déploie, sans compter l'opportunité de rencontrer celles et ceux que je pourrais aimer bientôt... C'est la solitude qui me chagrine. Si je devais pointer du doigt la fausse note dans cette partition, je ciblerais tous ces silences, dans chaque mesure, pleines à craquer de rapides noires, où j'installe pour y respirer au moins une ou deux rondes, sinon des blanches, mais où j'aurais besoin de remplacer les silences par un signe que je ne connais pas – des croches peut-être, en ce pont qui les relie deux par deux, mais elles sont trop brèves, trop rapides, pour dire combien j'aurais aimé hier soir, plutôt que d'avoir à me rendre à l'obligée réunion associative, aller profiter des dernières douceurs de la saison, sur une terrasse, en compagnie de liens qui n'ont pour légitimité que l'affection portée de part et d'autre. Vous me manquez, amies, amis, proches membres de ma famille, demoiselles que je ne connais pas encore, ou que je commence tout juste à côtoyer. Je n'ai pas pris la mesure hier soir – à l'image de toutes les récentes occasions – de bien sentir ce qu'il se passait à l'intérieur de moi, tandis que je passais en vélo à côté des tables de bistro où les gens s'étaient installés, discutant de leurs airs complices dans les douceurs atmosphériques d'un soudain regain de chaleur. La température était particulièrement douce pour la saison, et même cela, je ne suis pas bien sûr d'en avoir saisi la saveur sur ma peau pressée par le temps. Je me souviens, et je profite de cette heure où nulle urgence ne parvient à perturber mon voyage intérieur, je me souviens maintenant de ces deux filles assise face à face, se souriant, buvant leurs nectars autour d'une petite table, sur un coin de trottoir où j'aurais aimé moi aussi m'arrêter, faire la conversation, m'arrêter, m'arrêter. Je me souviens de nombreuses tablées, également souriantes, aux apparences insouciantes, qui semblaient toutes en avoir fini avec les nécessités du jour, pouvaient se reposer un moment en agréable compagnie, partager un bon moment. Je me souviens de la façon dont mon regard s'attardait sur ces scènes, dont la banalité cachait mal le caractère précieux à l'équilibre du monde humain. J'aimerais maintenant décrire à mon esprit la façon dont je pouvais sentir combien quelque chose de moi aurait préféré mille fois s'arrêter là plutôt que de continuer mon chemin vers mes obligations – même si la sympathie m'y attendait. J'ai senti quelque chose. Comme si chacune de ces tablées venait se heurter contre une membrane à l'intérieur de moi et la faire vibrer – sans que je n'y prête plus attention. C'est seulement maintenant, tandis que j'y retourne, sur ma selle, dans l'air tiède, ma précipitation pour arriver à l'heure, ces visages entraperçus, qu'un peu de place est faite à ce qui s'est mis à résonner. Et le message est très clair, ce qui s'exprime à travers le saisissement de mon attention, la façon dont je suis happé sans m'en rendre compte par ce que je vois et ce que j'imagine. Pouvons-nous prendre soin? Pouvons-nous entendre? Le puis-je, moi qui parle, et qui met un peu de « nous » pour me sentir moins seul, pour vous inclure, par peur du jugement sur cette parole qui se mire dans le miroir de sa conscience, comme si elle ne se préoccupait que d'elle-même, tandis qu'elle prétend et espère que ce n'est qu'ainsi que la possibilité d'une rencontre de connivence et de différence, d'agacement ou d'indifférence, puisse opérer au plus près de nos intimes réalités. Puis-je prendre soin? Puis-je – sans attendre, sans ajourner? J'entends ce qui résonne si fort maintenant, m'étreint et me fait soupirer, et je me dis: après le concert, encore quelques jours de préparation où j'accepte que la priorité soit ailleurs, et je les appelle. La priorité, quelle priorité? Et si « préparer un concert » ne se résumait pas à ma représentation – rendue étroite et pauvre par l'angoisse – mais intégrait nécessairement ma qualité de vie? Non pas seulement la régularité de mes exercices et répétitions? Et si d'aller boire un verre aujourd'hui, demain, avec quelque salutaire présence, me permettait de mieux chanter samedi, si j'allais nourrir mon inspiration et ma maîtrise à d'autres auges que les seules qui me viennent automatiquement à l'esprit: le travail, l'application, l'entraînement quotidien?! Et si de prendre du bon temps favorisait ma faculté d'en donner samedi autant que mon intransigeante discipline? Puis-je transmettre du plaisir si mon expérience en est privée? Puis-je me disposer au lien du public si je m'y prépare en me coupant de toute relation? Je ne fais pas semblant de ne pas avoir la réponse. Mais ces questions m'interpellent...


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