Joie, mouvement. Haine, noir. Angoisse, fourmis rouges. Tristesse, ruisseau. Peine, souffle.
Silence allégresse et retenue composent une distance.
La journée s’est perdue dans une forêt de songe. Les temps anciens ont remonté les pentes. Il y avait foule au comptoir, demandant à boire, à voir, à comprendre. J’ai pêché quelques jolies bêtes, aboule tes phrases j’ai dit, fais-voir ce que t’as. Posé là, sur la frange des reliefs, j’ai regardé les vagues mouler l’âme dans leurs draps de soie, leurs va-de-soi.
Mélancolie, boite à secret. Espoir, longue canne. Plaisir, grain de sel.
Souvenir, images et raideur font un chant dans la cave des os.
Il y avait foule au comptoir et ça gueulait sévère. Mais dans un grand calme le serveur faisait son boulot, dans un silence presque total, à peine quelque chose qui flottait dans l’air, des broutilles d’instrument, un puzzle de notes de bric et de broc, lui vaquait à son occupation, fidèle et serein, lointain, peu docile. S’en foutait bien du remue ménage, faisait son boulot, changerait pas de rythme. Salopard qu’ils disaient. Impatience, crissement d’ongle.
Langueur, poisson d’amour. Regret, faim tubulaire. Désir, lune solaire, comète filante, trou noir dévorant tout, irradiant son carnage vers d’autres dimensions, régurgitant ses proies dans l’insondable.
Le temps s’arrange le portrait à coup de burin, il n’écoute personne.
Derrière les collines, plus loin, là où les voix agitées ne parvenaient plus, là où l’esprit du serveur traînait en secret, dans l’immobile paix des siècles tombés, on entendait la voix des Hommes empoisonnés par la vie sublimée. Perdue la journée s’est fait un fil, elle s’est inventé le monde qui lui fallait, tant pis pour le reste qu’elle s’est dit, il y a des jours comme ça. Tu crois qu’il se perd, mais c’est lui qui te trouve.
Folie, expansion infinie. Sérénité, filet doux. Affection, tarmac caoutchouc.
Parole, borborygmes et soupirs font un cercle d’eau sur ton cœur. Le sol a filé sans rien dire, dérobé, dans le vide tes pas se sont refait une santé. Maintenant c’est du solide.