8 mars 2010 1 08 /03 /mars /2010 11:08
DSCN8806

Aux frontons de conscience, l’étonnement participe aux lumières nouvelles, enjoué de concevoir la transformation des imageries intérieures, le développement des formes, l’assouplissement qui se gagne avec les forces déployées, l’étrange expansion. C’est un trouble aussi de voir la naissance opérer sur soi, d’en sentir les ampleurs et les débordements, de voir les saccages par lesquelles elle advient. Naître déploie et déchire, émerge et ruine, uni et sépare. L’autre homme s’éponge le front, de se voir devenir, de recevoir cette présence fraîche et naïve, encore rebelle de ses premières ardeurs, son corps trop étroit pour contenir tant de fureur à vivre. Il reste encore tout à découvrir, mais le bourgeon déjà pourfend son cocon, la printanière allégorie, comme une araignée sortie du gel, tisse sa toile dans l’esprit charmé. Le monde redevient terrain de jeu. Il ne m’appartient pas, mais il m’appartient d’en réjouir mon sang, d’en échafauder mes rêves, d’y incruster mes pas et ma mémoire… d’en faire quelque chose ! Nous serions heureux de pouvoir y habiter pleinement ; nous serons heureux d’y arranger au mieux l’espace de nos élans, d’y trouver festin de nos faims : l’appétit sait se faire frugal quand il goûte au précieux. L’abondance, elle, semble noyer nos manques par excès, ou étouffer nos désirs par stupeur devant le terrible des choix. La complainte de mes organes et de mes présences se fait moins pressante devant les limites du champ qui s’offre à leurs courses, à leurs danses, à leurs errances, si ces limites contiennent de quoi livrer l’essence de mes passions, de mes ferveurs, de mes enchantements.

 

Partager cet article
Repost0
6 mars 2010 6 06 /03 /mars /2010 12:55

Chaumont-0127.jpg

Ce sont les bruits à travers le mur, ce qu’un couple peut faire dans une chambre, ce que leurs souffles trahissent en glissant sous le béton. C’est le téléphone qui sonne mais dont une force étrange nous tient éloigné, figeant le corps dans un refus, incompréhensible. Ce sont les heures précédentes, pourtant habitées du besoin ignoré, dont aucun geste n’a su prendre soin. C’est ce vertige soudain, cette présence au bord de l’écœurement. Ce sont les images qui se développent sous le front, racontant ce qui se passe là-bas, dans la salle où le chanteur aurait pu être vu, écouté, découvert dans sa chair et ses vibrations toutes réelles. C’est la foule de visage, le mouvement des groupes, les silhouettes qui s’amusent, dansent, se laissent ensorceler par la musique forte, là-bas, pas si loin des murs. Et ce corps de pensée, cette pensée sans corps, qui balance sur une fine parcelle d’équilibre, ne sachant plus que faire, où être. La stupeur du paradoxe, quand le fondement connaît sa nécessité d’une transformation et que toute la périphérie s’obstine au même, à l’identique. La légère douleur qui saisit la poitrine, de pouvoir encore, là, faire basculer l’ordre d’un instant à l’autre, mais de ne pouvoir pourtant bouger le petit doigt, d’être paralysé au carrefour de ces souffles rauques, ces images colorées, ces besoins négligés, et ces pensées qui jonglent entre ce qu’elles savent, ce qu’elles voient, ce qu’elles veulent et ce qu’elles peuvent. L’étonnement de sentir tout ce qu’il se passe à la réunion de ces éléments, quand pourtant quelque chose se résigne au confiné de l’immobile, de l’isolé, de l’incapacité. Puissance noire qui règne brièvement mais ramène en son autorité passagère toute la masse de ce qui n’a plus lieu d’être. Bête mourante aux derniers soubresauts d’une méchante vitalité, qui tente encore une fois d’imposer son trouble, péniblement.

 

Partager cet article
Repost0
5 mars 2010 5 05 /03 /mars /2010 15:03

Chaumont 0130
 

Je me sens comme déjà renouvelé. Déjà neuf. C’est que tout mon rapport à l’ancien est changé, même s’il m’encercle encore, me contient toujours. Il croit me posséder, mais je suis déjà loin. Mon corps est dans ses frontières, mais mon âme et mon devenir son bien au-delà. J’ai tout l’air d’être là, et je le suis bien, mais je n’y existe plus du même souffle, du même regard, de la même conscience. Je ne vis plus ce lieu comme ce qui me condamne, m’arrête et m’empêche. Je vis ce lieu comme celui que j’ai le pouvoir de rendre : destiné à disparaître, (tandis qu’il cherchait à me faire disparaître), marqué déjà par la transcendance du destin que je m’y forge, qui le reléguera bientôt aux vestiges d’un moule, comme la peau nacrée de la chrysalide désertée par le papillon. Ces murs s’effritent sous l’assaut de mes puissances découvertes, tailladant à travers une large allée de lumière, ouvrant sur un monde ouvert, ces barbelés sont à ma peau fait de brindilles sèches, je rigole de la vaine hauteur de ces remparts, plus rien désormais ne m’y tiendra lié, reclus, dominé. La liberté qui s’est opérée en moi a déjà ruiné l’édifice de cette prison, elle n’existe plus pour mon être émancipé de cœur et d’esprit, mes yeux percent loin au-delà de ces parois comme s’il ne s’agissait que de fines lamelles de verre, et si ma main rencontre encore la crépis dur de ce qui m’interdit, je peux désormais en caresser la rugosité comme le souvenir de ce qui me tenait mais ne me tient déjà plus, de ce qui ne pourra retenir la vigueur de mon élan, la force de ma joie, l’ampleur de ma respiration. Malgré que la matière soit encore tout autour de moi comme déterminée à me garder captif, emprunté dans ses rets, elle a déjà perdu tout pouvoir sur moi, tant ses lois ne me concernent désormais plus, tant ses invectives et ses ordres me laissent indifférent, ne m’atteignent plus.


 

Partager cet article
Repost0
5 mars 2010 5 05 /03 /mars /2010 14:57

Chaumont 0144

Quel être sensé se couperait de tout moyen financier et de toute opportunité de rencontre, de soutien et de collaboration pour réaliser ses rêves ? Sinon celui dont le sens est une interdiction d’être.

 

 


Partager cet article
Repost0
28 février 2010 7 28 /02 /février /2010 20:31
Chaumont-0135.jpg

Encore aux prises avec des questions vagues et fondamentales. Peut-être ai-je de la peine à me figurer parce que je manque de la confiance qui me permettrait de me croire capable. J’écris cela plus médusé qu’attristé. Je fais ce bilan avec le détachement de celui qui est sonné par ce qu’il voit. Qui voit bien mais ne comprend pas, tant ce qu’il voit le surprend, l’interroge, lui retire toute puissance. Le déjoue. Sont-ce des choix ? Suis-je bien réveillé ? Où l’étais-je mieux hier, quand tout m’a frappé d’étrangeté ? Une nouvelle image est en train de naître. Chaque jour la dessine un peu plus précisément, lui ajoute des traits de vraisemblance. Il n’y aucune raison objective pour en rester là. Je peux encore, il n’est pas trop tard. Je ne suis plus ce jeune-homme, je ne me reconnais plus dans ses calculs. Je dis « je dois » non pas comme une obligation qui s’impose à moi de l’extérieur, mais comme une nécessité qui sourd de mon intimité. Je ne suis plus celui qui était rassuré de se concevoir à l’ombre de tous, à l’ombre quiète d’une conscience qui se suffisait à elle-même. J’ai cru à mon pari de sagesse, à ma hauteur et ma justesse morale, je ne pouvais qu’y croire. J’entends aujourd’hui les échos subtils de condescendance, la démarcation insensible et vaniteuse qui compensait les suffocations d’âme. Ces arrangements ne me conviennent plus. L’ordre du monde a bougé. Ma vision, longtemps troublée, s’épaissit, retrouve des lignes de force, m’invite à concevoir ce portrait inattendu, à peine imaginable.

Partager cet article
Repost0
28 février 2010 7 28 /02 /février /2010 13:53

Chaumont-0078.jpg

J’avais laissé tomber l’idée de la recherche parce que j’avais besoin de sortir des livres et de la théorie pour aller dans la vie. J’avais le dégoût de la réflexion analytique, digitale, expérimentale, froide, sérielle, cartésienne, de cette réflexion qui avait caractérisé mes années d’études et je voulais la fuir pour retrouver mes aires poétiques, musicales, analogiques, holistiques. Je rejetais la science et ses froideurs occidentales au nom d’un rapport exclusivement poétique à la vie, sanguin, chaud, incarné, fait de souffle et de chair. Quitte à écrire et réfléchir, je voulais écrire et réfléchir poétiquement, loin des méthodologies et des stratégies, loin des canevas rigides de la pensée académique, dont j’étais dégoûté, contre lesquels j’étais même révolté parce que je sentais combien ils venaient polluer mon écriture et ma pensée, combien j’avais de la peine à retrouver mon vocabulaire poétique, chaotique, ma pensée ouverte et abandonnée, ma pensée inutile, implicite, sibylline, mutilée. Mon émerveillement mutique devant le mystère de l’existence valait mille fois la moindre des prises intellectuelles sur un morceau – même le plus chéri – de l’expérience humaine.

Ce sont désormais les images poétiques qui polluent les lignes réflexives et pullulent dans les paragraphes rondement formés. Les formes se rencontrent différement, le désir rescucite. Les questions formulent un sens nouveau.
Partager cet article
Repost0
23 février 2010 2 23 /02 /février /2010 12:05
Saleve-0128_cpr.jpg

Mon bref passage sur la colline me revient et me blesse. Le vent, le calme, la plaine, toute la poésie du monde reçue comme une gifle, m’asseoir dans l’herbe et sentir une connexion se faire avec de l’oublié et du précieux, un précieux oublié. Des soupirs, des images. De la solitude. La nature. La liberté. Les vacances. Hors monde. Hors pistes. Tranquille. Rapport simple au monde, rapport premier, rapport essentiel. Désinquiété d’une vie à construire sans cesse, du labeur quotidien, l’angoisse des enjeux en chaque geste, l’angoisse des choix de chaque instant. Rien à choisir. Etre là, à regarder, sentir, rêver, marcher. Respirer. Rien à construire, être présent suffit. Etre là, sans hier, sans demain, sans question utile, avec pour seule interrogation l’existence, l’usage de l’existence, l’identité dans son histoire. Si le choix apparaît, ce n’est pas un choix pragmatique, c’est un choix poétique ; le choix d’une posture est interrogé, et il suppose des actes qui en découlent, mais qui ne sont pas à agir présentement. Là, il y a juste à sentir, se laisser bercer par le vent, se sentir enveloppé par la pureté de l’air, et éventuellement se laisser embrasser par les questions finales – que fais-je de ma vie, que suis-je en train de faire de ma vie. Est-ce vraiment cela que je désire, dont j’ai besoin. Comme j’étais touché hier, de me sentir à nouveau dans quelque chose d’étriqué, d’étroit, de confiné, d’empêché. Durée interminable, dont j’ai perdu la capacité de croire qu’elle puisse finir. Et mon étouffement. Mon angoisse devant le paysage, avec l’envie de m’y perdre, de partir, d’aller chercher ailleurs, de rouvrir les possibles en prenant la voie des champs. Alors l’impatience de nouveau, l’impatience violente devant l’attente incontournable. Et en même temps, le bien-être, là, posé là, sur ma butte chérie, j’aurais pu rester des heures, j’avais besoin de rester longtemps. L’onctuosité de ces minutes bercées par le vent, à espérer capter dans les bourrasques une réponse, un ordre, une inspiration. Le premier mouvement d’un geste libérateur, la première flamme d’une révolution. Et ce sentiment si diffus et si fort de me trouver là où je ne peux qu’être, fondamentalement condamné à l’étroitesse de mon univers, à la pauvreté de contact avec le monde extérieur ; comme s’il n’allait jamais pouvoir en être autrement, comme si c’était là mon destin, un destin de pierre, gravé au burin, irrémédiable. Mais rester, au milieu du vent, protégé de tous les choix, nourri par les essences du monde, au prise avec le cœur des choses, pouvant enfin laisser tomber la lutte, le difficile de la rencontre avec l’invention de soi, échappant enfin aux exigences infinies de cette élaboration qui n’a de cesse de développer de nouveau défis, de nouvelles questions, de nouveaux problèmes. La fatigue d’être soi, enfin tombée de mes épaules, là, devant le paysage qui me console de tous les maux, ne m’en laisse qu’un seul, qui a le mérite d’être fondamental : le mal d’exister, la condition d’être.


 

Partager cet article
Repost0
16 février 2010 2 16 /02 /février /2010 18:39

DSCN8396

Une jouissance d’oubli. Tout ce qui se concentre là, sous mon attention réunie, dans mon geste rassemblé. Les maux d’être évincés de l’espace habité par ce corps en mouvement, ce corps décidé. Jouissance qui fait un manque, pourtant. Pas le manque du mal, sinon le mal de cette rencontre nue où rien ne me sépare de ma conscience d’exister. Ce doux mal, cette conscience molle et abyssale, douce et rugueuse, à laquelle j’aime me frotter, après l’oubli, après la joie, après l’insouciance. Après l’euphorie du labeur, je fais ma toilette existentielle, je me lèche les contusions d’âme, ranime et rumine les blessures fondamentales de ma condition humaine. Il me faut ma dose de frissons intemporels, mon shoot cosmologique. Plus je surmonte les maux qui m’empêchent d’advenir, épanouissant mes facultés, plus le besoin de revenir à la source où il ne me reste que l’être est vive, plus se fait pressante la nécessité de m’y retirer, momentanément. Ces deux oublis, ces deux présences, ces deux absences se nourrissent et se dévorent l’une l’autre. A exécuter sans cesse les tâches, même aimantes, je me sens ternir du cœur, affadir toutes mes perceptions ; mais à les fuir dans la contemplation béate et amoureuse de l’existence pure, ce sont toutes les couleurs du spectre vital qui se mélangent et se confondent dans un blanc figé, où mon corps perd sa propre consistance, toutes forces tombant dans l’évanescence liliale de ces heures d’ivresse. La danse est délicate. Ce n’est pas un équilibre, ce n’est pas un juste milieu. C’est un constant déséquilibre, un voyage toujours renouvelé d’une atmosphère à l’autre, chacune contredisant l’autre et par cette contradiction se confirmant réciproquement, chacune niant et par cette négation identifiant l’autre.

 

Partager cet article
Repost0
12 février 2010 5 12 /02 /février /2010 11:41

DSCN8412

Trop d’être dans le faire, symboliquement. Une présence identitaire trop engagée dans la réduction de l’acte, qui y suffoque, s’y terrorise, insupportable méprise de l’être global figé dans le détail d’un geste. Une identité complexe toute rassemblée dans la facette pauvre d’une action, du résultat de cette action, et qui se sent violée d’y être contrainte, annulée d’y être résumée, si pauvrement étiquetée ; la chose faite jugée devenant le juge d’elle toute entière, et ne pouvant tenir devant cette menace. La nullité de son action signifiant sa nullité d’être – trauma ontologique insupportable. Quand à l’instant du faire se joue la durée de l’être, quand à l’émergence figée d’un acte se conditionne l’infinie évolution de celui qui est. Quand à la simplicité préhensible d’un signe transitoire se fait anéantir la complexité irréductible et spirituelle du signifiant.

Pas assez d’être dans le faire, en action. Une présence expérientielle trop désengagée pour se sentir vivre dans le mouvement, pour se connaître faisant, se rencontrer dans l’agir ; coupée dans sa difficulté à s’y recevoir, parce que les vécus bougent sans cesse, ne se laissent à rien réduire, n’arrangent aucunement l’image de soi, dérangent sans cesse croyances et représentations, violentent parfois si crument l’estime personnelle qu’ils sont irrecevables, laissés à l’ombre des inconsciences. Les vécus qui échappent tant à la maîtrise des organisations de l’éveil et de la raison, bousculant jusqu’à la plus morale des idées sur soi, sur le monde, rompant sans délicatesse les fils les plus ténus de ce qui nous tient ensemble de l’intérieur.

Alors. Le chemin :
Je ne suis pas ce que je fais. Ce que je fais ne dit pas tout ce que je suis.
Mais je peux exister dans ce que je fais. Ce que je fais est une occasion d’être, sans cesse renouvelée dans l’expérience qu’il m’est donné de rencontrer. Identifiable seulement dans le mouvement qu’elle me donne à vivre. Mouvement qui se dérobera toujours aux arrêtés raisonnables et raisonnés des étiquetages symboliques si prompts à figer pour rassurer, condenser pour simplifier, organiser pour structurer. Mouvement qui donnera donc de soi au monde, une relation qu’il faudra sans cesse réapprendre, ré-apprivoiser, ré-identifier, reconnaître.


 

Partager cet article
Repost0
11 février 2010 4 11 /02 /février /2010 15:53
Sal-veN4351.jpg

Le possible sous la main. Comme s’il ne s’agissait que de la tendre, de l’ouvrir et de saisir. Sauf qu’il y a la durée, le recommencement quotidien. Sauf qu’il y a les humeurs, les échos sentimentaux de l’erreur, les tâtonnements aux reflets affectifs. Si j’étais une machine, je deviendrais tel que je me conçois. Mais il faut encore compter avec l’écologie de l’action, qui fait une divergence entre l’intention et le résultat. Et que faire du kaléidoscope d’images défilant, celle-ci souveraine maintenant, d’où organiser les mouvements, d’où faire partir les gestes, mais bientôt étouffée par une autre qui prendra sa place et s’installera un moment, désorganisant la pensée, rompant l’élan, fatiguant la concentration. Si j’étais monomaniaque, mes forces réunies surmonteraient autrement les difficultés, elles m’aideraient à tenir jusqu’à cette maîtrise qui me fait languir, me séduit. Mais il manquerait à l’objet de mon obsession toutes les résonnances de celles qui lui font concurrence. Il manquerait à la raideur de mon obsession, la souplesse de mes errances, la richesse harmonique des multiples voix qui se font entendre, colorent chacun des intérêts captivant l’attention de mon être. Pourtant, le souhait est vif, de voir la sensation durer, de pouvoir être habité par cette puissante consistance, cette faim, ce saisissement tout intérieur qui m’appelle au labeur amoureux, à la détermination aimante de l’apprentissage, de l’élaboration, du travail de la matière dont le visage me dévore présentement.

Partager cet article
Repost0

CONNEXUS

/////////////////////////

Grand plaisir d'échanger ici
               ↓↓↓


 

/////////////////////////


Une envie de me lire sur papier ?


 

/////////////////////////