Légère légèreté D'où étais-tu venue Où veux-tu repartir déjà? Reste, reste avec moi Quel devoir t'attendrait Plus urgent, plus important Qu'offrir à ton hôte Les délicieux plaisirs de ta présence ? Y aurait-il un défaut En la demeure que je t'offre ? M'accorderas-tu la liste de tes besoins Afin que puissent s'en inspirer précautionneusement Les motifs de mon comportement Les choix de ma conscience ? Car je t'avoue, délicate compagnie Que rien désormais ne m'est plus précieux Que cette histoire dont nous avons repris le fil Là où nous l'avions laissé il y a fort longtemps.
Qu'il n'y aie pas de somme Sous laquelle étouffer Mais au contraire un dôme Immense où respirer Qu'il n'y aie à courir Qu'après ce qui me pousse En la densité claire et chaude Des veines, sèves, ruisseaux Et autres phénomènes Où la vie tremble encore Où vibrent d'une puissance fragile Les signes de sa présence Qu'il n'y aie rien pour assommer Les goûts traversant mes chairs Ni restreindre en ma conscience Les visions élargies et souples D'une intelligence au monde Et de ce qu'il s'y rencontre Quand l'ouverture est du rapport La sereine et vraie disposition Pour qu'ainsi puisse à nouveau Mon cœur en l'espace recouvré Apprendre de sa délicatesse A respirer les effluves chamarrées De ces battements qui l'obsèdent Et noter d'une subtile précision Les milles nébuleuses impressions où s'éprouvent renouvelées sans cesse Le fécond tumulte des secondes vécues
Au mouvement renouvelé Celui qui m’emmène Me chemine Après m’avoir abandonné A ce mouvement qui revient S’appuient les mots suspendus Les mots de l’arrêt Qui dans l’arrêt ne résonnent plus A ce mouvement retrouvé Qui s’échappe puis me revient Me dérive S’épaulent les paroles du regard Qui devant le paysage arrêté Ne distingue plus Ne voit plus Mais ici capture Dans ce qui bouge et se reprend Maintes choses parallèles Qui semblent ne jamais devoir bouger Tandis qu’évoluent les mouvantes Tandis que meurent insensiblement Toutes les vivantes
II
Aussitôt que ma prise sur le monde S’enroule sur les éléments Quelque autre partie Se défend d’avancer ainsi En piétinant ces avenues Sans avoir un moment de considération D’attentive vénération Pour ce qui s’éprouve Et ce qui se donne Sous la part aveugle de mes pas
A l’automne Ces grands airs Que prennent les cieux Et où resplendit Phénoménale L’humilité de notre passage Sous leurs grandioses géométries La trop grande beauté Pour ce cœur intimidé Cette pensée toute arrêtée Derrière le regard immense Qui fait toute ma présence Nulle paix plus grande Nulle douleur plus sourde Qu’à rencontrer ainsi le trouble De leur chant intemporel
II
Comme elles glissent S’élancent et grandissent Comme elles jouent Dans la masse venteuse Les bourrasques d’atmosphères Comme elles s’amusent En silhouettes sombres Devant le gracieux masque d’éther Ces mouettes joyeuses Dont rien ne semble pouvoir Limiter les joies de leur vol
III
Dans ce corps étonné Où le silence a pris possession De toutes les aires Je récolte d’instant en instant Les morceaux de lumière Comme autant de grains de sables Que ma paume ne saurait contenir Mais dont la caresse fait une tendresse infinie