1 mai 2012 2 01 /05 /mai /2012 10:55

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Montée de sève, au soleil l'enjouement, de la poitrine à la gorge une bulle tel un spasme migre, atterri en désir au bord de mes lèvres. Un éclat de lumière irradiant le bulbe du pensé. Médecine immédiate à la rumeur grise courant dans les veines, sa voix s'enroulant autour de mes peaux comme une bande de soie, un cerf-volant en tissu qui m'effleure, me frôle, me caresse, m'enveloppe. La pulpe tiède où tombent mes baisers, étouffant une phrase au milieu, trop longue pour que se retienne encore la soudaine fureur de mon appétit, ce visage, ma ponctuation de sa parole, le dièse d'une note perdue dans sa bouche. Le dit ne compte pas tant que la musique où il se trouve, par laquelle il voyage, s'épanche d'elle à moi. De folles mélancolies tremblent au milieu de mes os, éprises d'une poésie ressuscitée de si loin qu'elle vibre comme irréelle, poussent à fleur des iris le fin voile d'une larme où se mélangent des infinis de joie et de tristesse. Pas d'apesanteur sur le fil d'un monde indicible, vacillement de vertige, frissonne.

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30 avril 2012 1 30 /04 /avril /2012 17:25

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D'évidence mes bras l'ont enveloppée. « Je peux? ». En réponse: un baiser dans le cou. A son tour: « Je peux? ». Rires. Comme si nos corps ne s'étaient pas séparés un instant. Seuls fissurés de tourments nos esprits, au point d'abrutir chacun de nos sentiments. Mais nous étions là, enchâssés tendrement, comme si rien de bien tragique n'avait eu lieu. La matinée de ce dimanche avait été toute entière imprégnée de sa présence, de mes interrogations sans fin, du désir d'elle et des douloureuses impasses de sa manifestation. Sous les assauts du vent, brassé de mille sensations printanières, je regardais les scintillements sur le lac festoyer devant les couleurs puissantes de la nature, et seul sur le banc, n'attendant rien sinon que le temps s'arrête, je l'imaginais là, sachant trop bien comment elle aurait aimé cette ambiance. Me figurant comment nous aurions pu y être heureux, si seulement l'entente avait pu décider d'embrasser nos langages, nos humeurs, nos pensées, nos différences. (Peut-être si la menace que nous étions devenus l'un pour l'autre avait pu tomber comme tombe le vent...) Toute la matinée, je n'avais été que celui qui s'était, deux semaines durant, progressivement dégagé de sa confusion: un homme entiché d'une fille avec laquelle il ne trouve pas le moyen de se sentir bien, bêtement bien. Quelques heures plus tard, la voici dans mes bras, de retour, comme si rien n'était plus naturel. Et l'après-midi passant nous aura révélé le chemin parcouru chacun de son côté. Comment la distance nous a rapproché, et comment nous pouvions enfin tisser notre conversation avec le fil aimable d'un début d'amitié. Je découvrais sa voix, le timbre doux et rond du chant de sa parole, l'heureuse caresse de cette plume d'air, au fond de moi. Et l'impressionnante rage de l'attirance qui roulait en moi comme des vagues, à chaque sommet du charme dont elle m'étourdissait, en ne faisant rien d'autre qu'être ce qu'elle est.


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27 avril 2012 5 27 /04 /avril /2012 17:19

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Malgré tout, ta main me manque. J'aimerais la sentir au creux de la mienne, maintenant. La mienne se serre dans le vide et c'est comme si elle pressait mes yeux, qui en éclaboussent mes cils de tristes gouttes. Ton visage est le seul visage. Ta nuque, la seule. Il y a quelque chose sur tes lèvres que je ne trouve qu'au fond de mes rêves. Comme une chanson que je suis le seul à pouvoir entendre. Il y a une poésie dans ta nuque, la douceur d'une enfant et la force d'une femme, un charme, l'eau d'une source immortelle. Je ne dis plus rien pour te séduire. Tu ne me lis pas. C'est vrai, je ne dis pas les jours qui passent sans larmes, le soulagement de n'être plus aux prises avec l'embarras de nos heurts, l'impression de pouvoir accepter cette fin, de pouvoir m'y tisser un fil de sens. (Tout en notant qu'elle n'est pas consommée: nous ne nous la sommes pas dites.) Je ne dis pas comment je reste silencieux, sans réaction, prenant le risque conscient de te savoir dériver vers des ailleurs irrécupérables. Je préfère dire le doux, le tendre, l'espoir, l'attente. Peut-être pour ne pas te heurter. Mais je ne mens pas en disant le doux, le tendre, l'espoir, l'attente. J'ai même peur de voir combien je ne mens pas... Je pourrai toujours me rappeler combien il nous était douloureux d'être ensemble, au cas où ce que je dis sans mentir s'avère plus vaste que ce que je suis à même de mesurer aujourd'hui, au cas où tu n'en aurais plus rien à faire alors, de l'envergure de ce que tu as écris en moi. Je pourrai sans doute m'intéresser davantage à ce que je dis peu pour l'instant. Mais faire l'impasse sur l'étrange bêtise de mes sentiments est une autre histoire. N'auraient-ils rien appris de ce que nous avons vécu?

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26 avril 2012 4 26 /04 /avril /2012 15:19

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24 avril 2012 2 24 /04 /avril /2012 16:59

 

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Des images, chocs électriques
Analogies corporelles: une posture ici qui me ramène à celle sur la plage, au premier janvier, tout juste sortis de l'eau, le soleil Niçois, sa peau nue sur les cailloux

Des pensées de combat
Comme si nous disputions encore
Des idées d'hier
Ou d'un mot imaginaire qui blesserait si fort
Que déjà la riposte crépite

Silhouette rémanente dansant sous mes yeux
Nimbée d'un halo amoureux, inaccessible flou

Sous le corps inerte
Des milliers de questions sans réponses
L'amertume d'une langue qui ne se résout pas encore au mystère
L'espoir fébrile de cette même langue qui lutte contre l'amertume
Voudrait percer le mystère d'une joie revancharde

Et le corps trop usé pour agir de lui-même
Dont le silence dit le silence, aujourd'hui

Pourtant, aussi, ce fuseau de velours qui bouge en moi
Quand de l'intérieur je revois cette unique façon d'être, de se mouvoir et de parler
Et qui brûle au rappel des distances éprouvées
Cette essence distillée, parfum d'un regard, trace d'une griffure, la saveur fourbe de nos baisers
Et l'étrange oubli où disparaît chacun de nos écueils
Comme si n'avait existé que le subtil émerveillé

Quand le repli des rêves parle encore d'un désir
L'annonce harassé d'une prose quotidienne
Et que les rêves ne savent trahir que la vérité
A quelle confiance vouer ses gestes je me demande

Alors dépose tout au creux de ce ventre immobile
Dont l'immobilité vibre d'une juste présence
Laissant au mystère ce qui s'y cache, s'y noue et s'y déroule

Nos peaux nues sur les cailloux, le ciel chaud et rond
D'un cocon où gît immobile ce qui doit naître
Je visite le déploiement d'une mélancolie secrète
M'abandonne au risque d'être où je suis
De perdre ce que je ne suis peut-être pas prêt de vivre


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23 avril 2012 1 23 /04 /avril /2012 05:24

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Promenade jusqu'au cimetière. Récolte. Au fil des pas prenaient vie émotions et pensées. C'est une terreur infernale. Celle de ne plus jamais être aimé, regardé. De se trouver seul à jamais, de perdre pour toujours la présence. J'avançais dans la rue, je me sentais moche, ridicule, avec ma calvitie trahie par le vent brassant mes cheveux et le soleil poussant jusqu'à mon crâne ses rayons sans pitié. J'ai vu un couple, la fille lui ressemblait un peu, et je me suis dit que c'était fini, la fille que je désire enfin, c'était arrivé et ça n'arriverait plus. Trop laid désormais. Ça recommence, le même cirque. Je me suis demandé si ce n'était pas ça qui me faisait mal, plus que la jalousie de l'imaginer avec d'autres à cette soirée pour laquelle je venais de lui renvoyer les billets. En tout cas, davantage que la frustration de ne pas en être, était présent le sentiment de ne plus rien valoir du tout, d'être retourné à l'état d'indésirable, et ça me calmait un peu de pouvoir identifier cette confusion. Parce que bon, ça va, à 37 ans, on peut commencer à se rassurer avec deux trois choses observées durant le parcours – même le moins brillant.  En avançant vers la terrasse où nous avons parfois bu un verre, j'ai vu que j'étais prêt à bifurquer pour éviter de risquer la croiser. Je me suis repris et j'ai foncé dans le tas, en me rappelant ce que disait une des jeunes femmes que j'ai en entretien. « La peur, il faut lui biller dedans. Quand j'ai peur de quelque chose, je fais exprès d'aller là où ça m'angoisse, comme ça, elle disparait ». T'as raison, je me suis dit avec tendresse, demoiselle de 15 ans ma cadette, t'as raison, je vais faire comme toi, je vais pas laisser la peur prendre le dessus et se nourrir de mon évitement. J'y vais... Pas là. On continue. Plus loin j'ai imaginé lui rappeler l'adresse de mon blog où je dépose quelques uns de ces paragraphes. Et de faire connaître celui-ci à mes contacts de facebook. Et puis un concert – j'avais le plaisir des morceaux joués dans la matinée encore présent et cette envie de les faire vivre dans l'échange. Mais pour chacun de ces élans, je buttais contre des précautions, de craintives anticipations, des circonspections de bon aloi. Soudainement j'ai cru étouffer. Je venais de prendre conscience. La mécanique résonnait avec celle qui a pourri notre rencontre. Sous les yeux, je ne voyais plus qu'un immense monceau de mouvements mis en miettes. Je n'étais plus que ça: le cumul de mes empêchements. La somme de tout ce que je n'ose pas. A devenir fou. Plus possible je me disais. 37 ans, pas brillant du tout. Devant la tombe, je ne suis resté que quelques secondes. « J'ai vieilli maman » et puis je suis parti.

 

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22 avril 2012 7 22 /04 /avril /2012 09:25

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Il y a beaucoup d'orgueil à se tenir en retrait comme je le fais. Et sous l'orgueil, la blessure. Mais elle avait raison de dire qu'elle prenait des risques. Ils ont du courage à se livrer dans l'immédiateté de ce qui émerge – du courage et la possibilité. Je surveille, observe, évalue, anticipe, puis je trie, filtre, déforme, arrange, puis, éventuellement, je dis, j'écris, je chante, laisse apparaître. Mais n'apparaît alors que ce qui a passé toutes les frontières en présentant les papiers demandés, ce qui s'est conformé aux exigences, ce qui s'est travesti d'une mise en forme. Même ici, lorsque j'ai une soudaine aspiration à m'ouvrir sans artifices, soudainement les mots m'échappent, je ne sais plus. Un manque de courage et une impossibilité. Trop de vulnérabilité, si grande que la matière disparait, s'évapore, s'enfuit. Jour blanc. Ou le jugement tombe, couperet instantané qui massacre la substance en lui conférant des notions de valeur. Serait-il possible d'être au-delà de la valeur, en deçà, dans la substance-même, dans la vie comme elle est? Quelle souffrance de vivre ainsi, sous l'œil méchant qui ne cesse de dire ce qui a droit de résidence et ce qui n'a rien à faire là, ce qui est bien et ce qui est nul, ce qui est adéquat et ce qui ne l'est pas. Pourrais-je de temps en temps compter sur les autres pour m'informer, me dire? Entrer dans l'à-vif de la relation. Ma sensibilité pourra-t-elle se confier à leur bienveillance? Est-on aimé pour ce qu'on fait juste et bien, ou pour ce que l'on est, qui transcende toutes nos actions? Des sortes d'amours bien différents, il me semble. Je sais avoir gagné en liberté, mais la masse encore contenue me semble folle, terrifiante. De quoi se faire des maladies dans le dos. En contenant ce qui n'a pas raison d'être sous le regard cassant du parent-fantôme, suis-je bien sûr de laisser libre cours à ce qui est encore permis? Je crois le contraire. Je crois que j'ai tout étouffé en cherchant à étouffer l'inacceptable. (Je ne m'explique pas autrement ce désert où j'ai atterri et où tant d'épanchements survivent, sous le sable et les cailloux, un ruisseau qui continue sa course et laisse deviner combien ce n'est pas de l'indifférence). C'était l'occasion d'apprendre, avec elle. Sans elle, sur quelques jours passés, certaines choses vivent mieux – l'écriture, le corps, la musique; d'autres moins, la confiance en ma capacité d'aimer et d'être aimé, la chère habitude de sa présence. Ce n'est pas son absence qui fait la différence, c'est l'absence de ce que notre rencontre me fait vivre de moi. Il me suffit d'un souvenir, d'une photographie, d'une chanson pour sentir que son absence, l'absence de sa personne, de sa voix, son rire, ses maladresses, ses idées, l'absence de tout cela n'est pas un soulagement. Mais une perte dont je ne trouve pas le sens.

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21 avril 2012 6 21 /04 /avril /2012 10:44

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Il n'est plus question de séduire, de ramener à soi. Déplacer le centre de loyauté, le ramener à soi. Ces billets n'auront pas pour mission d'étourdir son espoir, ni le mien. Mais de répandre sans fard le fil des actualités quotidiennes, sur le champ de mon intimité. De faire vérité avec soi. Et dans ce silence j'entends mieux que je ne m'entends plus, qu'on ne s'entend pas. Qu'on s'entendait en sourdine, en échos, qu'on s'entendait un peu, assez, beaucoup parfois, et qu'une entente nouvelle m'a semblé naître, il y a huit jours. Un début, le plus prometteur des débuts, juste avant la fin. Je commence à croire depuis une heure à peine qu'elle pourrait ne pas revenir. Qu'on ne saura peut-être jamais si nous avions pu nous entendre. Mes pensées n'ont guère d'autre passion qu'elle. Elles m'endorment et me réveillent. Elles commentent les gestes que j'aurais pu faire, les souvenirs qui surgissent de nulle part, elles se désolent de maints sujets, construisent des scénarios qui déjouent la réalité ou trahissent mes sentiments, se dressent en remparts devant les zones fragiles de ma psyché, elles s'adressent à elle, l'invectivent, la caressent, lui demandent d'être et de ne pas être. Je peux vivre là assez tranquillement. Dans cette entre-deux eaux où rien n'est trop défini, où je peux laisser respirer mon ambivalence, où la possibilité qu'elle revienne ou qu'elle ne revienne plus reste ouverte, où ce qui vient au jour en moi peut s'y risquer sans avoir peur ni de blesser trop ni d'être trop blessé. Je crois que tout est encore possible, pour moi. Je dis ça sans être sûr. Je dis ça depuis où je suis. C'est l'homme au menton tremblotant qui dit cela, celui qui s'est trouvé submergé d'émotions dans les rayons du magasin, tandis que le nom d'elle et son visage sont apparus dans sa tête, peut-être l'a-t-il imaginée en train de faire ses courses, se souvenant de ce plaisir en commun: flâner inutilement dans la grande surface, comme pour s'y perdre, y égarer son âme en peine et la détourner de ses maux, en chinant des yeux les étalages. « Elle ne vous laisse pas indifférent » lui avait-on dit d'un ton entendu. Et simultanément, lui sait, devant elle, les tons entendus ne pourraient servir à mieux s'entendre. Mais c'est aussi l'homme de ce savoir qui pense que tout reste possible, il ajouterait qu'il me faut traverser cela, cet entre-deux, cette réappropriation d'une loyauté personnelle, cet élagage du trop à penser. Je n'ai pas connu cette expérience-là. D'aimer sans pouvoir aimer, d'être étourdi sans pouvoir s'étourdir, d'être touché au plus vif sans pouvoir vivre le touché. On me dit que je coupe les cheveux en quatre et je ne m'en défendrais pas, et je ne suis pas celui qui reconnait et énonce le plus simplement du monde ses sentiments à l'égard d'autrui, c'est vrai. De sentiments amoureux, je n'en ai plus sans relation amoureuse, et de relation amoureuse, je n'en ai plus sans amitié, sans le jouissif plaisir de s'entendre bien. Sinon cette gamine, flirt d'il y a sept ans, qui m'empêchait de respirer dès qu'elle apparaissait, alors que nous n'arrivions pas à échanger trois mots et qu'elle ne m'intéressait en rien. Il n'y a aucune évidence en ce que j'éprouve, sinon cette réponse qui semble avoir détruit les derniers restes de sa patience et de son affection, ce « je ne sais pas » dont je suis pétris. Et je reste là, en retrait, sans accuser réception de son message, sans rien dire parce que tout bouge et que je ne pourrais dire que cela: tout bouge, indistinctement. C'est ce qui tremble en moi à l'évocation d'elle, c'est l'incomparabilité de ce qu'elle est et le charme dont ceci m'enveloppe, c'est la façon dont son regard, son visage, sa démarche revenus à mon esprit imposent leur trouble, c'est le puits de tendresse qui se creuse au milieu de mon cœur en songeant à ce je ne sais quoi d'elle qui me renverse. C'est tout cela et la nage à contre-courant, la confondante difficulté à s'entendre, la carence de plaisirs simples, les épuisements sous la violence d'une perpétuelle menace, de la peur de l'autre, de la peur de soi, la tension des émotions retenues, le désarroi de cette entente quotidiennement refusée – pourtant survenue en fin de course. Tout cela qui bouge, indistinctement, évolue au secret comme la chrysalide dans son cocon. Et qui me laisse entrevoir combien les sentiments et la relation touchent à des lieux différents de nos géographies intérieures. Peut-être n'est-il pas si étrange d'aimer sans pouvoir aimer.


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20 avril 2012 5 20 /04 /avril /2012 12:16

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J'étais joyeux en revenant. Et nous étions ensemble dans ma joie. Comme si elle ne m'avait pas dit qu'elle ne reviendrait plus. Je veux lui écrire des billets, ce genre de billets. Les notes de mon cheminement. Au fil des jours, ce qui s'inscrit, ce qui transpire, ce qui bouge et s'adresse en secret à elle. Dans cette distance à laquelle j'adhère sans adhérer. Qu'elle ne revienne plus et qu'elle revienne. Les deux. Ce à quoi je croyais comme elle, est en train de perdre ses dernières traces: qu'il y aurait, au fond, un ressenti univoque, soit oui, soit non. Je continue de découvrir que plus j'ouvre des espaces d'intériorité, plus la vie qui s'y déroule est constituée de facettes aussi multiples que changeantes. Il y a des choses à perdre, d'elle, de nous, que je ne peux perdre sans une douleur profonde. Et il y a des choses à vivre que nous avons effleurées et qui ressemblent à ce que j'espère infiniment, simplement. Et il y a des choses d'elle qui me bouleversent, viennent caresser au plus sensible de mes chairs l'homme touché. Et il y a des choses qui ont épuisé jusqu'à la dernière de mes forces, ont malmené avec un acharnement continu le silencieux désir qui m'avait poussé vers elle. Comme une trop longue nage à contre-courant. J'en suis à ne plus savoir. Ne plus sentir. Ne plus reconnaître. Si bien qu'à me laisser dériver, cessant tout effort, je ne suis ni près d'elle ni loin d'elle. Je flotte à mi-chemin. M'éloigner plus encore est violent, tout devient coin de table, lame acérée: l'air que je respire, les images de nos souvenirs, l'aspiration à ce qui aurait pu être. Me rapprocher ne vient spontanément qu'avec une retenue, un doute, une peur. Ne pourrait se faire qu'à la condition de nous trouver une terre de paix – ou sous le joug du manque grandissant, de je ne sais quelle force encore inconnue. Il est une ambivalence fondamentale, différents lieux de moi touchés, activant différents élans. Être libéré de ce qui en son attente vient m'éprouver sans fin; sans être libéré d'elle, de ce que j'aime tant de nous et que je ne sais nommer. Qu'elle ne revienne plus et qu'elle revienne. Ce que j'aime tant d'elle et que je ne sais nommer. Quand je pense qu'on pourrait croire à de l'indifférence, en voyant cet homme figé, qui n'ose ni s'avancer ni reculer, ni plonger ni disparaître. Il a l'air d'attendre que le monde décide pour lui, que la Terre, en tournant, lui retire une des faces de son ambivalence, emporte celle-ci au lointain. Ai-je le droit de ne pas savoir? Qui a dit que « ne pas savoir » ne peut exister? J'étais assis par terre, contre sa porte, son chien venait jouer sous mes mains tandis que je lui racontais ma soirée. Je n'avais jamais éprouvé ce plaisir-là. De pouvoir lui confier le fond de mes pensées sans craindre qu'elles soient une menace, de nous sentir en confiance l'un avec l'autre, de n'avoir pour celui qui se trémoussait sous mes paumes qu'une vraie et tendre sympathie. Et j'ai eu le sentiment fugace de former une petite famille, d'appartenir à ce trio où chacun compte pour l'autre, et je sentais poindre le début d'une amitié entre nous – celle que nous étions désolés de ne pas ressentir il y a si peu. J'aurais pu me suffire de ça pour continuer. J'aurais aimé commencer par ça. Et commencer là m'apparaissait possible. Désirable.




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13 février 2012 1 13 /02 /février /2012 18:22

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Hier, je n'avais je crois jamais ressenti cela, ce que j'ai ressenti hier. J'avais besoin de voir le soleil, de le regarder, de le sentir frapper mon visage. Il fait rudement froid depuis des jours, et le ciel est d'un gris monocorde, des nuages homogènes sur lesquels se distingue à peine des voiles violet, bleu ou jaune, très pales. Hier il faisait beau et je me sentais littéralement appelé par la lumière directe du soleil. En rentrant du travail, malgré le froid, je sentais un besoin viscéral d'aller marcher dehors et de trouver un coin où je pourrais me disposer sous les rayons solaires. Il en était à ses dernières lueurs quand je suis arrivé au pied d'une tour où j'ai pu m'adosser à un muret et exposer mon visage aux rougeurs orangées de son couchant. J'étais comme obsédé par cette nécessité de sentir le soleil caresser ma peau, de pouvoir le regarder dans les yeux. Surpris, étonné de ressentir cela, que ça s'impose à moi, que ça indique une nette préférence à tous mes mouvements. Il nous restait quelques minutes de muette conversation. Derrière moi, l'immeuble de béton, devant moi un rond point où les véhicules s'empilaient: à l'heure où l'on quitte le travail et rentre chez soi. Au loin, je devinais la silhouette d'une montagne, et je pouvais imaginer la plaine qui fut là, un temps. Une odeur de kérosène, le bruit de la circulation à travers mes écouteurs en lesquels se chamaillaient moteurs et piano, accélérateurs et oude. Ça puait, c'était bruyant. La plaine était silencieuse, on pouvait y entendre des oiseaux, et le bruit de l'eau qui s'écoule un peu plus loin. Une femme avait sorti son téléphone pour prendre une photographie du soleil à contre-jour, les profils des bus et des voitures se découpant noires sur le ciel métallique. Et le sens, et le sens de tout ça. Elles tournaient en rond, les voitures. Le soleil se couchait. La plaine avait disparu depuis longtemps. Et moi?

 

 

 

errant toujours

 

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