Les voici, les lueurs, les éclatantes couleurs. Fortes comme la chaleur est assourdissante. L'été, la vacance, le temps, le dehors. Terrasses et verdures, la saison des joies et des langueurs. C'est le même mur qu'il y a dix ans, en face de moi, la même violence de lumière, le même silence de mouvements. J'étais ailleurs, dans ma vie. Où je suis aujourd'hui. Cycles et marées, rotations et durée. L'âge que l'on prend. J'ai cette place de paix, maintenant, aujourd'hui, où elle peut venir sans la faire trembler. Je ne suis plus seul, si longtemps l'imaginaire d'une extase, ne facilite pas la rencontre avec les aspérités du réel. Pourtant il tremble bien de ma chair, je ne suis pas là pour rien, dans cette histoire, contre cette fille, ce nom, ce mystère. En quel devenir se trouve ma peau, quêtant une plus grande respiration, les plus aimantes aspirations, le développement de ses terres d'oubli et d'appropriation? J'aurais aimé briller et je n'excelle en rien, et ce cœur blessé, si bien caché, qui réagit à tant de ses gestes innocents, le voilà qui se laisse deviner. Peut-être pourrai-je prendre soin de lui et la laisser mieux tranquille, elle, qui n'y peut rien. Au fond, tout au fond. Ça résonne avec la fulgurance de ces reflets solaires, le mélancolique ondoiement des parasols, les tristes absences des balcons. Tant d'étés parcourus, tant de peaux touchées, ignorées, de souffles mélangés, étouffés. Combien de rencontres dans une vie? Combien en faisons-nous? Que sont devenus les personnes avec lesquelles j'ai parlé, en 1994, en Californie? Qui vit encore, où, avec qui, comment, de quoi, avec quelles pensées, quels rêves, quels souvenirs, quels chagrins d'amour, quels espoirs, quelle fierté? Où sommes-nous, ô demoiselle qui peuple mes nuits, baise mes lèvres, regarde mes yeux? Nous parlerons-nous encore dans dix ans? Sous les aveuglantes lumières du printemps, le souvenir de ton visage d'aujourd'hui sera-t-il heureux? Grâce à la méchanceté des sentiments qui s'éveillent parfois, à l'occasion de ta présence, je peux entrer en contact avec ce qui de moi sinon resterait dans l'ombre, l'insu. J'ai mal à celui que j'aimerais être. Les confinements où je me vois, me représente sous le jour de ta personne, ils sont crevasses, meurtrissures, défaites. Plutôt exiger que change ta parole plutôt que d'entendre là où elle m'emmène, ce qu'elle révèle de mes plaies.